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En Languedoc également, la tour est le bâtiment caractéristique d’un château fort.
Même si les tours romanes de ceux-ci sont désignées de manière générale par le terme de donjon, elles ne correspondent en aucune façon à leurs parentes du Nord de la France. Elles n’atteignent pas les dimensions imposantes de ces dernières, et n’en présentent pas non plus la forme (plan au sol).
Dans la région étudiée, toutes les tours sans exception sont quadrangulaires. Les dimensions varient de cinq à neuf mètres de côté. La hauteur ne dépasse pas trente mètres. Seules les tours de la cité épiscopale d’Uzès, centrale pour la région au Moyen-Âge, atteignent des hauteurs plus importantes. Indépendamment des matériaux de construction, de la technique de maçonnerie et de l’emplacement (libre ou intégré dans un complexe de bâtiments), les tours présentent toujours un type de construction similaire : la plupart du temps, deux salles voûtées en berceau sont superposées, qui peuvent être divisées à leur tour en plusieurs étages par des entresols en bois (Fig. 5).
On trouve par endroits une troisième pièce voûtée, aménagée dans la partie inférieure, telle une cave. La liaison entre les étages voûtés se faisait au moyen d’échelles, à travers les ouvertures que l’on ménageait dans les voûtes. De tels agencements intérieurs semblent avoir été usuels jusque vers 1200.
D’autres formes d’aménagements ne sont décelables qu’à Allègre et à Bouquet (installation de latrines dans l’épaisseur des murs, ou au coin d’une tour avancée). De tels éléments apparaissent de manière accrue au cours du 13e siècle, en particulier escaliers à vis aménagés dans l’épaisseur des murs ou dans des murs en avancée (tours d’Uzès, de Montréal, de Féreyrolles), mais aussi armoires et compartiments muraux (Montréal, tour de Sabran); les cheminées dans les tours ne semblent avoir été aménagées qu’à partir de la fin du 13e siècle (Montclus).
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Une constatation frappante dans de nombreux cas est la combinaison des tours et des corps de logis, avec accessibilité réciproque directe, constituant ainsi dans l’ensemble de l’ouvrage un groupe de constructions séparé, désigné parfois par l’expression de « complexe palatial »1 (en français dans le texte), fréquemment équipé d’une citerne (Fig. 6).
Dans de tels cas, les tours n’étaient en aucun cas conçues comme ultimes lieux de refuge, l‘objectif symbolique revêtant en l’occurrence la même importance que l’objectif défensif.
La tour et les bâtiments d’habitation ajoutés plus tard se fondent à Allègre en un grand ouvrage en forme de cube.
C’est précisément dans cette combinaison de tour et de corps de logis qu’il faut sans doute chercher l’explication de la rareté de bâtiments d’habitation représentatifs et autonomes, et par là de fenêtres ornées de sculptures convenant à des datations.
De tels bâtiments indépendants des tours ne devraient avoir été érigés qu’à Montclus et éventuellement à Verfeuil.2 Une étude approfondie du complexe palatial et des questions y afférentes concernant la disposition des pièces et la forme d’habitat ne saurait cependant être réalisée dans le cadre de ce travail.
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Les chapelles sont nombreuses dans les châteaux forts ou dans leurs environs immédiats, ainsi à Sabran, La Roque-sur-Cèze, Gicon, Masmolène, Salles-du-Gardon etc. Elles présentent la plupart du temps la forme typique de la région, à une nef avec abside semi-circulaire.
Le langage formel est d’une sobriété extrême. Aucune trace de restes de peintures. Dans la plupart des cas, les dépendances sont édifiées en série le long des murs d’enceinte. Ces bâtiments semblent presque tous avoir été construits en pierre. On manque d’indications signalant des constructions en bois, ce qui ne veut pas dire que de telles constructions n’aient pas existé.
Elles ne devraient cependant pas avoir été nombreuses, parce que le bois de construction approprié est, aujourd’hui encore, rare et cher dans la région. Cette rareté devrait aussi être la cause de la préférence affirmée pour les voûtes — même dans des bâtiments annexes.
Des types de bâtiments importants, tels que corps de logis, chapelles, mais également tours, présentent durant une longue période (du 12e jusque pendant le cours du 14e siècle) la même forme spéciale de toit, ou d’écoulement des eaux de pluie: le bord inférieur du toit en pente douce reposait souvent sur l’arrière d’un mur de parement en maçonnerie, de telle sorte qu’il n’était pas visible de l’extérieur et que le bâtiment apparaissait tel un bloc de pierres.
L’eau de pluie s’écoulait par des trous d’évacuation aménagés à faible distance les uns des autres, en biais, à travers la muraille extérieure, et s’égouttait le long d’un coupe-larme.
La région est connue pour son paysage karstique, riche en grottes amplement ramifiées. L’aménagement de puits dans une telle région était impossible. Afin d’assurer un approvisionnement suffisant en eau, la plupart des châteaux forts étaient équipés de citernes enduites de mortier.
Ces citernes se trouvaient souvent à l’intérieur du complexe palatial (s’il existait) ou en terrain non bâti, dans la cour; dans de rares cas, elles étaient intégrées à une tour (Montréal, Féreyrolles, château fort près de Viviers).
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1 Gilles Séraphin, Les fenêtres médiévales : Etat des lieux en Aquitaine et en Languedoc, dans : La maison au Moyen-Âge dans le Midi de la France, Toulouse 2002, p. 147. Je reprends ici le concept dans un premier temps, même s’il peut sembler trop pompeux pour l’architecture, les formes de détail et les locaux de la plupart des exemples.
2 L’intérieur de Verfeuil n’est pas accessible au public. L’ouvrage originel du Château-Neuf à Montréal présente aussi un corps de logis indépendant, qui est cependant relié à la tour par des murs et forme ainsi de nouveau un groupe compact de constructions; Laffont (cf. note 3), p. 160.
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